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Eolien industriel terrestre dans nos campagnes : la légitimité de l'absurde

Alors que nous ne sommes pas encore parvenus à amorcer la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nécessaire à la survie de l'espèce humaine sur Terre, les promoteurs éoliens ratissent nos régions et détournent notre attention sur des projets d'implantation aussi absurdes qu'inutiles. Nous avons à nouveau été témoins de cette tragi-comédie dans un village de la Bresse Jurassienne il y a quelques semaines. Explications.


Notre dépendance aux énergies fossiles menace notre survie

Nous vivons une époque caractérisée par un enjeu majeur, planétaire : la lutte contre le dérèglement climatique. Depuis le début de l'ère industrielle, il y a environ 150 ans, l'humanité a inventé un nouvel esclavage en asservissant pour notre développement et notre bien être, une armée technologique composée de machines innombrables alimentées par les extractions minières d'énergies fossiles et de métaux.

Ce que l'on a découvert depuis le rapport Meadows en 1972, et qu'on a un tout petit peu tardé à comprendre et à intégrer, c'est que les ressources fossiles ne sont pas illimitées et que les déjections de ces esclaves-machines sont extrêmement nuisibles à notre habitat, la terre. Si cet habitat continue de se dégrader, nous ne pourrons plus y vivre. Nous avons dépassé le seuil de 5 limites planétaires sur 9. Et on voit aujourd'hui les premiers effets de cette dégradation, dans notre vie quotidienne, nos saisons déréglées, nos récoltes fragilisées, nos forêts incendiées, nos nappes phréatiques polluées, nos infrastructures menacées.


Il y a urgence à tout repenser, de nos modes de production, de consommation, de gestion des ressources, et de maîtrise de notre impact sur le vivant. A commencer par notre consommation d'énergie.


2 générations de choix éclairés pour notre production électrique

Depuis les années 60, la France a parié sur la production d'une énergie électrique non dépendante du pétrole, contrairement à de nombreux autres pays. Hydroélectricité d'abord, nucléaire ensuite ont donc été choisis et développés partout où le territoire présentait des conditions favorables. Cela nous permet aujourd'hui de bénéficier d'une électricité décarbonée à près de 90 %. On peut débattre sur le poids du nucléaire dans notre mix électrique. Mais ni la Bourgogne-Franche-Comté, ni le Jura ne sont concernés par ce débat stérile, et ne le seront pas plus à l'avenir. Le Jura produit déjà de l'électricité majoritairement renouvelable et pilotable, grâce au barrage de Vouglans, le 3ème de France, avec une production annuelle de plus de 300 gWh, soit 60 % des besoins du département depuis...54 ans. La Région Bourgogne Franche-Comté, affiche une production électrique à 81 % renouvelable et ce grâce au parc éolien déjà installé.


En évoquant le mode de production électrique comme enjeu majeur de notre civilisation, on oublie que cette électricité, qui alimente les ménages et les entreprises pour leur chauffage et leur éclairage, ne représente que la moitié des besoins en énergie en France et seulement 20 % du mix énergétique mondial. Le reste, c'est le pétrole et le gaz, pour nos industries lourdes, notre agriculture et surtout nos transports. 80 % de notre énergie est fossile, non électrique, non renouvelable et nous regardons ailleurs.


L'injonction classique du "tout ou rien"

Or, à en croire l'agitation médiatique sur les énergies renouvelables (EnR = hydraulique, éolien, solaire, géothermie, biogaz) permettant de décarboner notre électricité, on a l'impression que notre salut énergétique ne passerait que par ces seules solutions. On cherche donc à régler un problème pour lutter contre l'utilisation des énergies fossiles dans un secteur (électricité) où le problème est déjà réglé depuis 60 ans. Et on met sous le tapis les véritables sources d'émissions de GES en France et dans le monde (80%), les énergies fossiles (Charbon, Pétrole et Gaz) qui menacent bien d'avantage notre survie. Cette mascarade qui détourne l'attention de tous sur des faux problèmes, réjouit les lobbies pétroliers qui n'en demandaient pas tant.


Nos gouvernants et certains de nos élus foncent tête baissée sur ce chiffon rouge agité en permanence : éolien et photovoltaïque constitueraient l'alpha et l'omega de notre avenir énergétique. Encouragés par les pouvoirs publics, tout aussi aveuglés ou trompés par les lobbyistes éoliens et pétroliers, les promoteurs se sentent investis d'une mission civilisatrice et débarquent la main sur le coeur et le discours écolo-moralisateur : "pour le salut de notre planète, il faut en installer abondamment, partout et sans tarder". Tout projet éolien industriel devrait au minimum être accepté par les administrés de la commune hôte, sans atteinte à la biodiversité, dans des zones non habitées et exposées au vent. Cependant, aucun des projets connus à ce jour et représentant plus de 100 éoliennes dans le nord Jura ne remplissent ces 4 critères minimum.


Survitaminés par des subventions et primes à la production, les promoteurs de l'éolien industriel en demandent encore plus, sillonnant donc notre campagne jurassienne, sans aucune concertation avec nos instances départementales, et village après village, s'abattent sur leurs proies en dépit de toute logique, de tout bon sens et de toute décence à l'égard des populations. Le 1er parc éolien jurassien de Chamole, défendu par une poignée d'habitants arcboutés sur leur certitude d'avoir pris la décision du siècle, leur fournit un argumentaire en... béton.





La preuve par l'exemple

Le dernier épisode en date pour lequel CABRE39 a mené des actions d'information et permis un débat démocratique sur le sujet, fut celui d'un village dans le secteur de Chaumergy, région bien connue pour son relief montagneux propice aux éoliennes et ses vents puissants et réguliers. Une approche d'abord discrète. Une jeune employée du promoteur, sûrement convaincue de la noblesse de sa mission, rencontre en décembre 2021 l'équipe municipale et leur soumet un projet alléchant. 4 éoliennes, puis 5, d'une puissance totale de 25 MW (5 MW par éolienne) qui rapporteront en droit d'exploitation une somme annuelle doublant le budget de la commune. Parallèlement, des propriétaires fonciers sont approchés, avec des propositions similaires. Faudrait-il en informer les habitants ? Mais c'est une très bonne question. Cette information arrive dans les boîtes aux lettres... 6 mois plus tard, juste avant l'été, sous forme d'un prospectus ressemblant tant aux innombrables publicités que nous jetons (dans le bac de tri) souvent sans les lire. Information diffusée, passons donc à la suite, et rapidement s'il vous plait. Cette suite, c'est une réunion du conseil municipal prévue fin juillet 2022, en plein coeur de l'été, pour décider en vote à main levée, de la signature d'une promesse de bail emphytéotique permettant au promoteur de démarrer des travaux d'étude.


Un tel projet, si impactant pour la commune concernée mais également pour tous les villages alentours mérite un peu plus de discussions et de concertations, vous ne trouvez pas ? C'est ce que nous avons également pensé. Lettre ouverte au maire distribuée dans chaque boîte aux lettres du village, nous obtenons in extrémis un accord pour organiser une réunion d'information à la Mairie, en présence du Conseil Municipal. Cette réunion s'est déroulée le 22 Aout.


Plus d'1/3 du village y est présent. Nous y exposons nos arguments : aberration du choix d'emplacement, destruction de la biodiversité en limite de zone Natura 2000, impact des travaux et des socles de béton de plus de 1500 tonnes chacun, hauteur de 240 m équivalente à la tour Montparnasse, soit 6 fois la hauteur du château d'eau le plus proche, proximité des premières maisons (500 m), perte de valeur de l'immobilier, repoussoir touristique, risques pour la santé, piège financier du coût du démantèlement, etc ... Au passage, nous apprenons qu'à ce jour, aucune éolienne terrestre aussi puissante n'a encore été installée...


En réponse à notre action, le promoteur organise une réunion d’information le 31/08 auprès des habitants. Nous y posons de nombreuses questions auxquelles le promoteur ne répond que partiellement, comme s'il avait renoncé à défendre un projet aussi irréaliste que surréaliste. Après avoir demandé à la municipalité d'organiser une consultation publique, le 16 Octobre, près de ¾ des habitants du village (73 %) se prononce contre le projet.


Un conseil municipal s'est tenu à huis clos le 4 novembre dernier et la proposition du promoteur a été rejetée, par vote à bulletin secret.


Tout ça pour ça ?

Une mobilisation des habitants comme rarement le village en avait connu, 6 mois d'incertitudes, des heures de palabres, des rumeurs dans tous les sens, des rétentions d'info, des échanges incessants par mail ou messagerie pour dénouer le vrai du faux : il faudrait faire le bilan carbone de chaque projet éolien en prenant en compte la période préparatoire à son implantation. On découvrirait sûrement que non seulement l'éolien industriel anarchique n'apporte aucune amélioration de notre bilan carbone national, mais qu'en plus il l'aggrave, tellement les controverses qu'il suscite sont énergivores .


Cette affaire laisse des stigmates. D'abord auprès des habitants, les "pour" devenant méfiants ou suspicieux envers les "contre", avec des relations qui se dégradent ou se tendent. Ensuite parce que nous réalisons que les beaux arguments en faveur de l'écologie, mis en avant par ces sociétés prédatrices, ne sont ni plus ni moins qu'un hold up sur nos consciences. Nous n'avons aucune leçon à recevoir en matière de sobriété ou de préservation de l'environnement. Nous vivons ici, pas eux.


Cet événement, aussi absurde qu'inutile et délétère, n'aurait jamais du arriver si les instances départementales avaient exercé leur droit de regard. Un projet éolien d'une telle aberration n'aurait jamais pu voir le jour si nous, Jurassien·ne·s, avions exigé de nos élus locaux et départementaux, de décider une fois pour toutes de la pertinence de sites éoliens industriels dans le département.


Nous pensons que les énergies renouvelables sont nécessaires et utiles, quand elles sont évidentes, rentables, non impactantes, concertées et désirées. Nous pensons que plutôt que de toujours chercher à produire plus d'énergie, il serait temps de réfléchir à comment en consommer moins. Nous continuons de penser que l'éolien industriel anarchique est inadapté aux besoins du département, et que le projet de Chamole était une erreur. Nous demandons d'urgence un moratoire sur tous les projets éoliens industriels du département et une décision de nos représentants élus interdisant le démarchage sauvage des promoteurs éoliens.



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